SE SORTIR D'UN CAS DE MÉTÉORISATION

EN SEPTEMBRE, JE SUIS APPELÉ POUR EXAMINER UNE VACHE QUI « GONFLE ». À mon arrivée, l'un des éleveurs m'informe qu'il a « trocardé la vache au couteau car elle mourait d'asphyxie ».

J'observe l'animal qui présente une plaie dans le creux du flanc gauche. Les éleveurs m'apprennent que cette vache prim'holstein est à la fin de sa neuvième lactation, qu'elle est gestante de six mois et demi et qu'il est prévu de la tarir dans dix jours. Ce matin, avant la traite, elle ne présentait aucun symptôme. Dans l'aire d'attente, elle a chuté puis a « gonflé » rapidement. La vache est très ballonnée. Vu l'état de l'animal, je réalise un sondage oesophagien qui reste improductif et ne permet pas de réduire la météorisation. La température rectale est normale, la palpation transrectale met en évidence un rumen dont la taille a beaucoup augmenté. La vache présente aussi des coliques, mais pas de difficultés respiratoires. L'éleveur ajoute que lorsqu'il a perforé le flanc gauche, beaucoup de gaz s'est échappé.

LE TROCARDAGE POUR ÉVACUER LE GAZ

L'examen clinique oriente plutôt vers une météorisation spumeuse (présence de mousse dans le rumen) alors que la description de ce qui s'est produit lors du trocardage au couteau décrit plutôt une météorisation gazeuse (uniquement du gaz).

Je décide alors de mettre en place un trocart à vis dans le flanc gauche de la vache. Une fois le trocart en place, de la mousse en sort. Nous sommes donc bien face à une météorisation spumeuse du rumen. Son origine est indéterminée car aucune légumineuse n'est présente de manière importante dans la ration distribuée à cette vache.

Le traitement est complété immédiatement par l'administration par voie orale, au pistolet drogueur, d'un litre d'huile de table auquel sont ajoutés 60 ml de citrate d'acétyltributyle. Vingt millilitres d'un médicament antispasmodique sont aussi administrés. Les éleveurs ont pour consigne de faire avaler un sachet stimulant la rumination dans quelques heures. Ils sont informés du pronostic réservé.

SONDER À L'AIDE D'UN TUYAU OU D'UNE SONDE OESOPHAGIENNE

L'un des éleveurs passe à la clinique dans l'après-midi et explique que la vache a dégonflé, mais ne mange pas. La vache est revue le lendemain, la météorisation n'est plus présente, mais elle ne mange toujours pas. Des sachets stimulants la rumination sont délivrés pour une administration matin et soir pendant deux jours. Le surlendemain, la vache est vue en train de ruminer et mange.

Quinze jours après mon intervention, il n'y a pas de récidive et elle se porte bien. Le trocart doit à présent être retiré par les éleveurs. Aucun antibiotique n'a été administré car le trocardage au couteau a été réalisé avec une lame fine au cul-de-sac dorsal du rumen, d'où un risque minime de contamination de l'abdomen par le contenu ruminal.

L'origine de cette météorisation spumeuse restera inconnue alors que les légumineuses sont très souvent incriminées. Cependant, une fois le diagnostic établi, le traitement repose sur des principes connus de longue date. Ils visent à faire « tomber la mousse », qui empêche l'évacuation des gaz par l'oesophage, dans le rumen. Il est important de noter que l'administration de produits via le trocart n'a aucun intérêt face à une indigestion spumeuse. Dans l'urgence, en attendant l'intervention du vétérinaire, l'éleveur peut, dans cet ordre :

- essayer de sonder avec délicatesse la vache à l'aide d'un tuyau ou d'une sonde oesophagienne ;

- lui faire avaler 500 ml d'huile de table au pistolet drogueur ;

- dans le cas où la vache est en train de s'asphyxier, il est possible de recourir à un trocart afin de perforer le flanc gauche, où il est le plus gonflé, en direction de la patte avant droite.